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Champs-Élysées : retour à la normale ou nouveau départ ?
novembre 22, 2022

Malmenée par les Gilets jaunes puis anémiée par le COVID, l'avenue des Champs-Élysées a repris des couleurs. Un mal pour un bien ? Ces événements ont peut-être accéléré la transformation nécessaire de la "plus belle avenue du monde".
Par Marina Lavrov, directrice leasing de CBRE Retail
On s'en souvient, les Champs-Élysées ont été fortement impactés par le mouvement des Gilets jaunes de 2018-2019, tant par l'empêchement de fréquentation que par les dégâts matériels occasionnés, dont le Fouquet's est sans doute la victime la plus emblématique, même si de nombreuses devantures ont été saccagées et/ou durablement masquées en attendant des jours meilleurs.
Nouveau coup dur en 2020 avec l'irruption du COVID 19 et les confinements successifs, auxquels on peut imputer nombre de fermetures définitives de magasins, dont H&M, Morgan, Mac, Abercrombie & Fitch… Selon l'outil Calibrate, développé par CBRE, les flux ont chuté de 45 % sur l'avenue entre 2020 et 2021.
Fin 2021, le taux de vacance sur l'avenue s'élevait à 10 %, niveau particulièrement élevé pour les Champs-Élysées. Les loyers, bien que toujours les plus chers de France, avaient baissé de 10 % à 30 % suivant les emplacements.
Sans pouvoir annoncer de chiffres pour l'année en cours, il est observable que la vacance est en baisse, que les flux sont en train de remonter vers des niveaux similaires à ceux de 2019 et que les valeurs locatives sont maintenant stabilisées.
De quoi cette reprise est-elle le signe ?
D'abord que les enseignes croient au retour durable de la clientèle internationale, et misent en particulier sur l'effet JO de 2024 : Paris sera une destination touristique privilégiée et les projecteurs du monde entier seront braqués sur la capitale, dont les Champs-Élysées sont la première vitrine.
C'est ainsi que plusieurs enseignes de l'avenue ont entrepris d'améliorer leur magasin, à l'instar de Louis Vuitton qui va fermer pour travaux début 2023 afin d'être prêt avant les Jeux. Cela contribue à élever la qualité globale de l'offre sachant que, parallèlement, la crise sanitaire a eu pour effet d'écarter principalement de l'avenue des enseignes de milieu de gamme, plus vulnérables. Les locaux libérés ont attiré de nouvelles enseignes de luxe (Tudor, Saint Laurent…) et des enseignes plus trendy telles que Lululemon, The Kooples ou encore Sandro. À noter que ce n'est pas le cas de la restauration, qui est restée stable.
Un processus engagé bien avant
Cette montée en gamme est-elle le fruit de stratégies convergentes, entre des enseignes qui ont vu une opportunité exceptionnelle et des bailleurs qui se sont montrés sélectifs ?
Oui et non, car la montée en gamme était bien engagée avant les Gilets jaunes. Elle s’est poursuivie malgré la crise sanitaire principalement sur le haut des Champs Elysées (proche de l’arc de Triomphe) et sur le côté impair. Les signatures récentes de Saint Laurent au 123 ou encore LVMH sur l’immeuble HSBC au 101 le montrent.
Réenchanter les Champs-Élysées
Les bailleurs et les enseignes de l'avenue savent qu'ils ont "entre les mains" un espace à très haute valeur patrimoniale. Force est pourtant de constater que, du point de vue urbain au moins, la "plus belle avenue du monde" est un peu survendue : monumentale, certes, mais aussi bruyante et minérale, elle n'est pas à la hauteur de sa réputation. Elle est d'ailleurs largement boudée par les Parisiens eux-mêmes, qui représentent moins du quart du flux piéton en 2019[1].
C'est ce constat qui a conduit le Comité des Champs-Élysées, instance de gouvernance née en 1916 réunissant les occupants et les propriétaires immobiliers de l'avenue, à confier à l'architecte Philippe Chiambaretta l'animation d'une réflexion urbaine et paysagère visant à "réenchanter l'avenue".
Publiée au début de l'année 2020 – il s'agissait d'alerter les candidats à l'élection municipale – cette étude a trouvé une écoute attentive à la mairie de Paris, qui en a fait un projet concret de verdissement et d'embellissement avec une première phase achevée pour les JO de 2024.
Nous assistons donc bien à une reprise, mais pas sur le mode business as usual, et pas seulement alimentée à court terme par l'effet JO. Comme le défend la mairie de Paris, " Embellis et réaménagés, les Champs-Élysées redeviendront le lieu de promenade historique qu'ils étaient à leur création." Pour les touristes et pour les Parisiens.