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Evaluer les capacités de requalification des entrées de ville

novembre 22, 2022

ENTREE DE VILLE

 

Les entrées de ville commerciales sont fort convoitées par les villes et les opérateurs immobiliers comme supports des projets urbains de demain. Le foncier n'y est pourtant pas si accessible qu'on pourrait le croire et sa maîtrise requiert une expertise spécifique.

Par Razika Kout, directrice des études et du montage d'opérations retail

Nombre de zones commerciales périphériques d'ancienne génération sont destinées à être repensées à plus ou moins brève échéance. Elles ne se sont pas adaptées suffisamment en profondeur aux évolutions de la consommation et leur attractivité a été érodée par la concurrence d'autres pôles mieux positionnés. Progressivement rattrapées par le tissu urbain, elles génèrent des conflits d'usage de l'espace. Enfin, la loi Climat et résilience accentue fortement la raréfaction du foncier : le rythme dartificialisation des sols devra être divisé par deux dici 2030 et le "zéro artificialisation nette" devra être atteint dici 2050.

Dans ce contexte, les zones commerciales (ou d'activité) d'entrée de ville, qui disposent d'emprises foncières sous-utilisées, de bons accès et d'une forte visibilité, sont regardées à juste titre comme autant d'opportunités foncières de requalification urbaine. Un des enjeux est de renouveler et d’adapter les activités commerciales et économiques présentes, et/ou d'introduire d'autres fonctions urbaines : résidentielles, culturelles ou de loisirs, voire agricoles.

Des opportunités qui ne vont pas sans une réelle complexité

Par nature, ces projets urbains d'un genre particulier, sur des zones commerciales à requalifier, requièrent une expertise de l'immobilier commercial (ou plus généralement économique) pour accompagner l'évolution programmatique et urbaine du site. Il faut en effet réunir :

  • Une vision prospective des marchés et de la consommation
  • Une analyse du potentiel commercial du site à moyen et long terme
  • Une connaissance fine de la situation foncière et des stratégies des propriétaires
  • Une démarche concertée et négociée avec les acteurs du site.

     

    Arrêtons-nous sur les deux dernières conditions, qui génèrent une complexité trop souvent sous-estimée. Voici en effet les particularités des zones commerciales.

     

  • La valeur vénale du terrain est élevée du fait de l'activité commerciale et des loyers qu'elle permet de payer au propriétaire.
  • Elle n'est pas homogène sur l'ensemble de la zone, mais varie selon l'emplacement et la nature des activités commerciales exercées.
  • Les droits attachés au contrat de bail, fonds de commerce et loyers à encaisser, ont une valeur financière qui vient grever le prix du foncier.
  • Ces zones n'ont pas, tant s'en faut, de propriétaire unique avec qui discuter, mais une multitude de propriétaires aux profils et aux intérêts souvent variés.

 

On voit par là qu'il est nécessaire d'étudier de près ces différents aspects qui, à un moment ou à un autre, sont susceptibles de freiner, bloquer mais aussi de faciliter le projet de requalification urbaine porté par les acteurs du territoire. C'est ce que nous faisons régulièrement au sein des groupements de maîtrise d'œuvre urbaine auxquels nous participons.

Dureté foncière

Concrètement, pour chaque entité du relevé de propriété, nous allons observer sur le terrain les facteurs de commercialité et la qualité du bâtiment. Nous recherchons le propriétaire, ce qui peut s'avérer difficile s'il s'agit d'un particulier ou d'une SCI, afin d'analyser les baux.

Si un bail vient d'être signé, si le locataire a fait des travaux et/ou s'il n'a aucune raison de souhaiter un meilleur emplacement, son éviction sera forcément coûteuse, au point peut-être de faire de ce local un "point dur" du projet. Si au contraire un local arrive en fin de bail, est à l'écart des flux et en mauvais état, le propriétaire devrait être attentif à une éventuelle proposition de transformation de son actif. Bien entendu, la réalité se situe presque toujours entre ces deux extrêmes. Dans tous les cas, il faut évaluer la valeur vénale du bien, le coût d’acquisition foncière, d'éviction ou de transfert pour pouvoir faire les bons arbitrages.

 

Ces données vont caractériser ce que nous appelons la "dureté foncière" de la zone à requalifier. Elles fournissent une première évaluation des coûts fonciers, et permettent de comparer différents scénarios programmatiques en faisant "tourner" des bilans.

 

Acteurs clés

À cette approche juridico-financière s'ajoute une analyse de l'intérêt objectif des propriétaires. Entre la grande enseigne propriétaire des murs, le gestionnaire d'une SCPI ayant des murs commerciaux en portefeuille et les familles propriétaires bailleurs d'un local depuis longtemps amorti qui apporte un complément de retraite, les intérêts ne sont pas forcément alignés. Leur attitude entre aussi en ligne de compte : tel propriétaire est-il vendeur, coopératif ou au contraire bloquant, injoignable, impuissant à décider (indivisions par exemple) ?

 

Cette connaissance permet aussi de spatialiser judicieusement la transformation, en s'appuyant sur les propriétaires les mieux disposés à soutenir le projet, que nous appelons "acteurs clés". À noter que l'étude peut aussi, de la même manière, orienter/affiner le phasage opérationnel.


Retail Talk 

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